Bilan 2024 des Catastrophes en Europe : Impacts, Vulnérabilités Accrues et Évaluation des Capacités d’Adaptation Européenne
I. Constat de l’Année 2024 : Une Intensification des Phénomènes Météorologiques Extrêmes
L’année 2024 s’est affirmée comme un jalon dans l’accélération des effets du changement climatique en Europe. Les analyses de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et du Service Copernicus pour le changement climatique (C3S) confirment une tendance à l’intensification des phénomènes extrêmes, marquée par des contrastes géographiques saisissants et des inondations généralisées.1 Ce contexte s’inscrit dans une année qui figure parmi les plus chaudes jamais enregistrées en Europe, accentuant la pression sur les systèmes d’adaptation et de prévention nationaux et européens.
I.A. La Prédominance des Catastrophes Hydrométéorologiques et des Risques Secondaires
À l’échelle mondiale, les pertes économiques dues aux catastrophes naturelles en 2024 se sont élevées à environ 241,95 milliards de dollars, dont plus de 90 % sont directement attribuables à des événements liés aux conditions météorologiques.3 Cette donnée souligne la transformation du paysage des risques.
Les principaux moteurs de cette augmentation des pertes ne sont plus uniquement les risques de pointe classiques (comme les séismes ou les ouragans), mais de plus en plus les « risques secondaires » (ou secondary perils), incluant les orages violents, la grêle, les inondations de bassin versant et les feux de forêt.4 Ces événements, souvent de moindre ampleur individuelle mais d’une fréquence démultipliée, érodent constamment les actifs et complexifient les efforts d’assurance et de prévention. Les assureurs mondiaux, tels que Swiss Re, anticipent d’ailleurs une augmentation annuelle de 5 à 7 % des dommages assurés, un signal d’alarme clair quant à la non-linéarité et la croissance exponentielle des impacts climatiques sur l’économie.5
De plus, l’Europe a connu en 2024 un contraste climatique marqué entre l’Est et l’Ouest. Ce déséquilibre a eu des répercussions directes, notamment sur la production d’énergie renouvelable. Le potentiel de production d’électricité à partir de l’énergie solaire photovoltaïque, par exemple, a clairement reflété la dichotomie entre les régions plus ensoleillées de l’Est et celles plus nuageuses de l’Ouest.2 Cette hétérogénéité des impacts climatiques à travers le continent nécessite des stratégies d’adaptation régionalisées et non monolithiques.
I.B. Chronologie des Événements Majeurs de 2024 : Une Répartition Géographique Critique
L’année 2024 a été structurée autour de deux grandes menaces : les inondations rapides et étendues, et les vagues de chaleur prolongées, principalement en Méditerranée.
Les inondations d’Europe Centrale en septembre 2024 représentent l’événement hydrométéorologique le plus destructeur de l’année. Elles ont frappé simultanément la Tchéquie, la Pologne, l’Allemagne, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie.6 Le bilan humain initial a dépassé les 27 décès, avec 9 personnes portées disparues.6 Ces événements ont nécessité la déclaration de l’état d’urgence dans certaines zones, comme à Bratislava.7
D’autres inondations localisées mais graves ont eu lieu, notamment dans le sud de l’Allemagne (Bade-Wurtemberg et Bavière) en mai 2024 8 et en
Italie (Vallée d’Aoste) en juin 2024.8 Ces catastrophes ont été suffisamment importantes pour déclencher une demande d’activation du Fonds de Solidarité de l’Union Européenne (FSUE), confirmant leur qualification en tant que « catastrophe naturelle majeure ».8
Parallèlement, l’été a été marqué par des vagues de chaleur extrêmes en Europe du Sud. Ces canicules ont engendré une surmortalité significative dans les pays méditerranéens tels que l’Italie et l’Espagne.3
Enfin, l’exemple de Mayotte, département français et région ultrapériphérique de l’UE, illustre un point critique: un cyclone tropical s’est abattu sur une population déjà confrontée à une précarité structurelle. Les conséquences de cette catastrophe ont été exacerbées par des infrastructures insuffisantes et des politiques locales limitées, révélant les limites de la solidarité européenne face à l’inégalité des moyens au sein même de l’Union.10
I.C. Synthèse des Données Globales et Contextualisation Européenne
Bien que les risques naturels aient dominé l’actualité des catastrophes en Europe en 2024, il convient de noter l’état des risques technologiques. L’inventaire 2024 du Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) pour la France indique, pour la première fois depuis 2015, qu’aucun accident industriel majeur n’a été recensé.11 Cependant, l’accidentologie sur les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) non classées Seveso a augmenté, notamment dans l’industrie agroalimentaire, le secteur le plus accidentogène en 2024.11 Cette observation rappelle que, malgré la prépondérance des menaces climatiques, la vigilance industrielle demeure essentielle.
II. Panorama des Catastrophes de 2024 : Caractéristiques et Échelle d’Intervention
L’évaluation de l’année 2024 nécessite une quantification précise des événements majeurs. Le tableau suivant présente un bilan factuel des principales catastrophes et des premières évaluations d’impact, servant de base à l’analyse de la réponse institutionnelle.
Tableau 1 : Bilan Factuel des Catastrophes Majeures en Europe (2024)
| Catastrophe | Pays/Région(s) Affecté(e)s | Type de Péril Dominant | Bilan Humain Initial (Décès/Disparus) | Dommages Économiques Estimés (Initial) | Réponse Européenne Notable |
| Inondations d’Europe Centrale (Sept.) | Tchéquie, Pologne, Allemagne, Hongrie, Slovaquie, Roumanie, Moldavie | Inondations (Pluies Torrentielles) | 27+ décès, 9 disparus 6 | Environ 4.2 milliards d’euros (Total) 6 | Mobilisation UCPM ; Aide FSUE pour dommages subséquents (à venir) |
| Vagues de Chaleur Estivales (Été) | Italie, Espagne, Grèce, Bulgarie (principalement Sud) | Température Extrême (Canicule) | 35 000 à 85 000 décès (estimation la plus probable) 12 | Pertes indirectes majeures (santé, productivité) 3 | Action de Santé Publique ; Surmortalité signalée 3 |
| Inondations du Sud de l’Allemagne (Mai) | Bade-Wurtemberg, Bavière (DE) | Inondations / Fortes pluies | N.C. direct pour cette période | 2.6 milliards d’euros (Dommages assurés liés aux inondations/pluies) 13 | Proposition de mobilisation du FSUE (part de 116 M€) 8 |
| Inondations Vallée d’Aoste (Juin) | Italie (Vallée d’Aoste) | Inondations | N.C. direct pour cette période | Inclusion dans la demande d’aide FSUE 8 | Proposition de mobilisation du FSUE (part de 116 M€) 8 |
| Cyclone (Mayotte) | Mayotte (FR, RUP) | Cyclone Tropical | Perturbations sévères | Pertes structurelles amplifiées par la précarité 10 | Déficit de Solidarité noté 10 |
II.A. Les Inondations Dépassant le Seuil de Catastrophe Majeure
Les inondations qui ont frappé l’Europe en septembre 2024 ont provoqué des dommages estimés à 4,2 milliards d’euros, dont seulement 1,9 milliard d’euros étaient assurés, révélant un fossé important entre le coût total et la couverture par le marché.6 Au-delà du bilan humain (27 décès), l’impact sur les infrastructures a été sévère, avec l’annulation de services ferroviaires internationaux (ex: Budapest-Vienne) et la destruction d’ouvrages d’art, comme le pont de fer à Kłodzko en Pologne.6 L’impact s’est même étendu à la continuité des fonctions civiles, forçant la Tchéquie à organiser le vote pour les élections sénatoriales dans des structures temporaires (tentes, conteneurs) dans cinq villes gravement touchées.6
Le caractère « majeur » de plusieurs événements de 2024 a justifié l’intervention européenne. En octobre 2024, une proposition de Décision du Parlement et du Conseil a été émise pour mobiliser le Fonds de Solidarité de l’UE (FSUE) à hauteur de 116 031 553 EUR en faveur de l’Allemagne et de l’Italie, en réponse aux inondations de mai et juin.8
II.B. La Crise Sanitaire Oubliée : Vagues de Chaleur et Mortalité Excessives
Les vagues de chaleur estivales constituent la menace la plus létale pour les populations européennes, bien qu’elles soient souvent moins visibles que les destructions physiques causées par les inondations. L’estimation la plus probable de la surmortalité liée à la chaleur en Europe pour l’été 2024 se situe dans une fourchette alarmante de 35 000 à 85 000 décès.12
Les pays méditerranéens, dont l’Italie et l’Espagne, ont été les plus affectés. L’Italie est en tête avec une estimation de décès liée à la chaleur comprise entre 13 858 et 23 506. L’Espagne suit avec 4 655 à 8 513 décès estimés. De plus, la mortalité rapportée à la population a été particulièrement lourde en Grèce et en Bulgarie.12 En Allemagne, le bilan est estimé à environ 2 800 décès liés à la chaleur en 2024.13
L’analyse de ces chiffres révèle une disparité structurelle dans la perception et la réponse aux désastres. Les inondations, événements de choc soudains, engendrent une forte mobilisation immédiate (UCPM, FSUE) et un décompte clair des dégâts physiques assurés.6 En revanche, les vagues de chaleur, en tant que crises chroniques et sanitaires, provoquent une « mortalité invisible » estimée dix à vingt fois supérieure au bilan direct des inondations. Le financement et la réponse de l’UE sont ainsi structurellement mieux adaptés aux catastrophes de choc qu’aux risques sanitaires chroniques, conduisant à une sous-estimation persistante de la chaleur en tant que « catastrophe majeure » nécessitant une mobilisation de ressources équivalente.
II.C. Autres Catastrophes Perturbatrices
L’exemple de Mayotte, frappée par un cyclone, met en évidence que la vulnérabilité aux catastrophes n’est pas uniquement liée à l’intensité du phénomène, mais est fortement exacerbée par les conditions socio-économiques préexistantes. La précarité structurelle et l’insuffisance des infrastructures locales ont transformé un événement climatique sévère en une catastrophe sociale amplifiée.10
Enfin, l’analyse du risque en Europe doit tenir compte des multiples événements de moyenne ampleur. Le fait que les pertes assurées soient de plus en plus dominées par les « risques secondaires » (comme les orages de grêle ou les inondations localisées) et non par les méga-désastres, signifie que l’Europe subit une érosion constante de ses actifs et infrastructures.4 Cette multiplication des événements de moyenne intensité rend les efforts de prévention plus complexes et coûteux, car ils ne peuvent se concentrer uniquement sur les zones à risque d’événements extrêmes, mais doivent couvrir l’ensemble du territoire.
III. Analyse de l’Impact Multidimensionnel sur les Populations
Les catastrophes de 2024 ont eu des conséquences profondes et entremêlées, affectant non seulement la vie humaine et l’économie, mais aussi le bien-être psychosocial des populations.
III.A. Le Coût Humain Direct : Décès, Blessures et Déplacement Forcé
L’impact des inondations se traduit par une perturbation massive de la vie quotidienne. Les fonds du FSUE sont explicitement utilisés pour couvrir les coûts liés à l’hébergement provisoire, aux services de secours, et à la restauration des infrastructures essentielles (énergie, télécommunications, transport).8
Le déplacement forcé, bien que dominé mondialement par les conflits (le HCR signalant plus de 123 millions de personnes déplacées de force globalement en 2024) 15, constitue un enjeu critique en Europe lors des événements climatiques. À titre de comparaison, les inondations d’Émilie-Romagne en 2023 avaient déplacé environ 36 600 personnes.16 Les événements de 2024, notamment en Europe centrale, ont également nécessité le déplacement de milliers de personnes, illustrant que le déplacement interne lié au climat reste un défi majeur pour la gestion des urgences sur le continent.
Tableau 2 : Quantification de l’Impact Humain : Comparaison Chaleur vs. Inondation (Europe 2024)
| Indicateur d’Impact | Inondations (Ex: Europe Centrale, Allemagne) | Vagues de Chaleur (Europe du Sud) | Conclusion Analytique |
| Mortalité Directe (Estimée 2024) | Environ 30 à 40 décès (chiffres initiaux/directs) 6 | 35 000 à 85 000 décès (estimation la plus probable) 12 | La chaleur est la première cause de mortalité liée au climat en 2024. |
| Pertes Matérielles Assurées | Très Élevées (Ex: 1.9 Mds € pour CE Floods, 2.6 Mds € pour DE Floods) 6 | Faibles ou nulles (majoritairement coûts de santé) | L’impact humain (décès) est inversement corrélé à la destruction physique assurée. |
| Réponse Institutionnelle Prioritaire | Protection Civile (UCPM/FSUE) 8 | Systèmes de Santé Publique (RKI, autorités régionales) 3 | Faible intégration des risques sanitaires chroniques dans les politiques d’urgence (FSUE/UCPM) de l’UE.19 |
III.B. Conséquences sur les Moyens de Subsistance et les Secteurs Économiques
Les catastrophes climatiques en 2024 ont fortement perturbé les moyens de subsistance, le logement et les secteurs économiques, notamment l’agriculture, comme l’a souligné le Parlement européen.20
Le secteur agroalimentaire est particulièrement fragilisé. Les sécheresses persistantes en Europe du Sud, couplées à des inondations violentes (comme celles du Nord de l’Italie), ont augmenté le risque de crédit dans l’industrie et menacé la sécurité alimentaire.21 Les pénuries d’eau exercent une pression considérable sur les performances macroéconomiques des régions fortement tributaires de l’agriculture.22 La résilience du secteur dépend désormais lourdement des soutiens gouvernementaux pour éviter une vague de faillites.21
De plus, l’impact sur les infrastructures essentielles (transport, énergie, eau) est systémique. Le rétablissement de ces services est une composante majeure du financement post-catastrophe par le FSUE.14 Les inondations en Allemagne, par exemple, ont non seulement causé des dommages assurés de 2,6 milliards d’euros, mais ont également nécessité des mesures fiscales complexes pour soutenir les sinistrés et les entreprises, montrant les répercussions fiscales et administratives d’une catastrophe majeure.13
Le cas de Mayotte met en évidence l’importance du multiplicateur de vulnérabilité. La catastrophe cyclonique y a révélé qu’une population déjà frappée par la précarité structurelle et des infrastructures insuffisantes voit les conséquences d’un événement climatique exacerbées de manière disproportionnée.10 Ceci démontre que l’adaptation climatique en Europe doit être indissociable des politiques de cohésion sociale et de réduction des inégalités.
III.C. L’Impact Psychosocial : Un Fardeau Croissant pour la Santé Publique
L’impact des catastrophes sur la santé mentale et le bien-être psychosocial des populations est un coût invisible et croissant. Ces événements génèrent un large éventail de conséquences, allant du trouble de stress post-traumatique à l’anxiété et à l’épuisement communautaire.24
L’expérience des inondations récentes met en lumière l’impératif d’intégrer le soutien psychologique dans les plans d’urgence. En Bosnie-Herzégovine, à la suite des inondations de 2024 (plus de 20 victimes), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a souligné la nécessité urgente de prendre en charge la santé mentale des survivants, des sauveteurs et du personnel de santé.27 La tension est palpable, même au sein des communautés faisant preuve de résilience, avec des bénévoles qui se disent proches de l’épuisement.27
De même, l’intervention en Émilie-Romagne (post-inondations de 2023) a prouvé l’efficacité des équipes de psychologues d’urgence déployées pour des activités de proximité.16 La répétition des crises met en péril la
résilience communautaire. Le système de réponse européen doit ainsi formaliser et financer le soutien psychologique continu pour le personnel d’urgence et les citoyens engagés, car les efforts de nettoyage et de rétablissement sont épuisants.
IV. Quantifier l’Exposition : Bilan Économique et Tendance des Pertes
L’analyse économique des catastrophes de 2024 révèle une tendance marquée vers une augmentation structurelle des coûts, tirée par la fréquence des événements, la hausse des valeurs exposées et le déficit d’assurance.
IV.A. Évaluation du Coût Économique des Catastrophes de 2024
Les coûts économiques totaux en Europe s’inscrivent dans une tendance haussière. Les inondations d’Europe Centrale, par exemple, ont généré 4,2 milliards d’euros de dommages totaux.6 En Allemagne, les événements météorologiques extrêmes de 2024 ont entraîné 5,7 milliards d’euros de pertes assurées, dont 2,6 milliards d’euros spécifiquement dus aux inondations et fortes pluies.13 En France, le coût des événements climatiques pour les assureurs a atteint 5 milliards d’euros en 2024.28
L’examen des données confirme que l’Europe paie le prix de la non-adaptation. Les hausses considérables du coût des catastrophes naturelles depuis les années 1980 28 et la projection d’une augmentation annuelle de 5 à 7 % des dommages assurés 5 sont des indicateurs économiques directs que les mesures d’atténuation et d’adaptation prises jusqu’à présent ont été insuffisantes ou trop tardives, comme l’a également noté le Parlement européen.20
IV.B. Le Rôle et les Limites des Compagnies d’Assurance face à l’Augmentation des Risques
L’une des vulnérabilités majeures révélées en 2024 est l’écart croissant entre les pertes économiques totales et les pertes assurées. À l’échelle mondiale, environ 67 % des pertes dues aux catastrophes naturelles ne sont pas assurées.4
Ce déficit d’assurance est flagrant dans les chiffres européens : pour les inondations d’Europe Centrale, 2,3 milliards d’euros de pertes n’étaient pas assurées (4,2 milliards d’euros de dommages totaux contre 1,9 milliard d’euros d’indemnisation).6 Ce coût résiduel est alors transféré aux gouvernements nationaux et aux mécanismes de solidarité européens.
Ce transfert constant du risque vers l’État pose un problème structurel : le FSUE, conçu comme un mécanisme de solidarité face aux chocs, est de plus en plus sollicité pour subventionner la reconstruction suite à des risques fréquents et prévisibles qui devraient, en théorie, être couverts par le marché. La récurrence et l’augmentation des « risques secondaires » mettent ainsi en question la viabilité du partage actuel des risques. Le débat sur l’obligation d’assurance pour les dommages élémentaires, relancé en Allemagne suite aux inondations passées 23, devient impératif pour sécuriser les finances publiques et garantir une couverture équitable des citoyens.
V. La Réponse et la Solidarité Européenne : Efficacité et Frictions
La réponse de l’Union Européenne aux catastrophes de 2024 s’est appuyée sur deux piliers principaux : le Fonds de Solidarité de l’Union Européenne (FSUE) pour le financement, et le Mécanisme de Protection Civile de l’Union (UCPM) pour la coordination opérationnelle.
V.A. Rôle et Mobilisation du Fonds de Solidarité de l’Union Européenne (FSUE)
Le FSUE est l’outil financier visant à exprimer la solidarité de l’Union envers les régions touchées par des catastrophes naturelles majeures.30
Tableau 3 : Mobilisation du Fonds de Solidarité de l’UE (FSUE) pour les Catastrophes de 2024 (Proposition d’Octobre 2024)
| État Membre | Catastrophe | Date du Phénomène | Montant Proposé (EUR) | Statut de la Demande |
| Allemagne | Inondations (Sud) | Mai 2024 | Part de 116 031 553 € (Total DE/IT) | Proposition de Décision du Conseil et du Parlement 8 |
| Italie | Inondations (Vallée d’Aoste) | Juin 2024 | Part de 116 031 553 € (Total DE/IT) | Proposition de Décision du Conseil et du Parlement 8 |
La proposition de mobiliser 116 031 553 EUR en octobre 2024 pour l’Allemagne et l’Italie démontre une réaction rapide de l’UE pour ces événements précis de 2024.8 Les domaines d’intervention couverts par le FSUE incluent le nettoyage des zones sinistrées, les services de secours, l’hébergement provisoire et, de manière significative, la protection du patrimoine culturel, en plus de la restauration des infrastructures essentielles (énergie, transports, santé).8
Cependant, le Parlement européen a exprimé son inquiétude quant au dimensionnement de cet outil. Les phénomènes météorologiques extrêmes montrent que le niveau de dommage dépasse largement les capacités du Fonds. Il a été instamment demandé à la Commission d’augmenter le budget de la réserve de solidarité et d’accélérer sa mobilisation.20 Le montant mobilisable est jugé bien trop limité pour faire face à des dommages d’une ampleur désormais structurelle.20
V.B. Le Mécanisme de Protection Civile de l’Union (UCPM)
Le Mécanisme de Protection Civile de l’Union (UCPM), coordonné par l’ERCC, est le dispositif opérationnel de l’UE pour la réponse aux urgences.18 En 2024, le mécanisme a été activé 58 fois pour répondre à des urgences variées (inondations, cyclones, glissements de terrain).18 L’UCPM démontre une solidarité opérationnelle efficace à travers le déploiement d’experts et l’échange d’informations.
Cet engagement a été renforcé par la volonté d’élargir la coopération, notamment avec l’examen de l’adhésion de la Suisse à l’UCPM en 2024. La participation de la Suisse, riche en experts spécialisés dans la gestion d’urgence, est considérée comme une plus-value significative pour le renforcement des capacités de réponse européennes.33
Malgré le succès opérationnel de l’UCPM en situation de crise, les discussions lors du Forum de la Protection Civile 2024 ont souligné l’importance de la réduction des risques de catastrophe (DRR).34 Or, l’analyse révèle que la prévention des risques naturels reste un angle mort de l’action européenne, souvent éclipsée par la nécessité de la réaction d’urgence.35
V.C. Le Déficit d’Adaptation Climatique de l’UE
L’évaluation la plus critique de la réponse européenne est fournie par la Cour des comptes européenne (ECA). Son Rapport spécial 15/2024, publié en octobre 2024, conclut que les actions de l’UE en matière d’adaptation au changement climatique « ne sont pas à la hauteur des ambitions ».36
Cette évaluation révèle des faiblesses fondamentales :
- Difficulté de Traçabilité: Les fonds alloués par l’UE pour l’adaptation sont difficiles à tracer, rendant l’évaluation de leur efficacité complexe.36
- Priorisation du Court Terme: Les projets de l’Union financés ont tendance à privilégier les solutions à court terme plutôt que l’investissement dans la résilience à long terme.36
Le système financier de l’UE est ainsi piégé dans une logique de réaction d’urgence (ex post) plutôt que d’investissement préventif structurel. La mobilisation du FSUE, bien que nécessaire, est par nature réactive. Les événements de 2024, par leur récurrence et leur coût croissant, confirment que cette stratégie est économiquement insoutenable. Le Parlement européen demande explicitement que l’adaptation reçoive une place plus centrale dans l’ensemble des politiques et des mécanismes de financement de l’Union 20, alignée sur la communication de la Commission de mars 2024 sur la gestion des risques climatiques.19
Enfin, si l’UCPM démontre une forte solidarité technique, les exemples comme celui de Mayotte (voir Section III) révèlent les limites de la solidarité politique face à la précarité structurelle et aux inégalités régionales. La gestion des catastrophes futures ne peut se contenter de réparer ; elle doit viser à élever la capacité d’adaptation de toutes les régions à un niveau équitable.
VI. Conclusion et Recommandations Stratégiques
L’année 2024 a été une année de confirmation et d’intensification des risques climatiques en Europe. Les impacts sur les populations sont massifs, touchant de manière disproportionnée la santé publique (vagues de chaleur) et la stabilité économique régionale (inondations et menaces sur l’agroalimentaire). Les données économiques et humaines de 2024 exigent une réorientation stratégique des politiques européennes, passant d’une posture réactive à une stratégie proactive d’adaptation et de financement.
VI.A. Synthèse des Leçons Tirées de l’Année 2024
- Changement de Nature du Risque Dominant : Les pertes financières sont désormais principalement dues à la multiplication des événements de « risques secondaires » (inondations, grêle), ce qui induit une érosion chronique des actifs plus difficile à gérer que les chocs isolés.
- Mortalité Invisible Sous-estimée : Les vagues de chaleur représentent la principale cause de mortalité liée au climat en 2024, mais elles sont insuffisamment intégrées et financées par les mécanismes d’urgence européens conçus pour la destruction physique.
- Déficit d’Adaptation Structurel : L’évaluation par la Cour des comptes européenne confirme que la majeure partie du financement européen reste orientée vers des solutions à court terme, manquant de vision à long terme pour la construction d’une résilience systémique.
- Vulnérabilité Sociale Amplifiée : L’impact des catastrophes est amplifié dans les régions souffrant de précarité structurelle, soulignant la nécessité d’intégrer la cohésion sociale dans toute stratégie d’adaptation climatique.
VI.B. Recommandations pour le Renforcement de la Résilience Européenne
Afin de gérer efficacement les impacts croissants des catastrophes, les actions suivantes sont jugées essentielles pour les institutions européennes et les États membres :
- Réforme et Augmentation du Financement de l’Urgence et de l’Adaptation :
- Augmenter le budget de la Réserve de Solidarité et d’Aide d’Urgence (FSUE) pour qu’il soit proportionnel à la gravité et à la fréquence accrues des catastrophes naturelles en Europe.31 Le fonds doit être revalorisé pour ne plus être perçu comme trop limité face à l’ampleur des dommages.20
- Mettre en place des mécanismes stricts pour garantir que le financement de l’adaptation soit traçable et orienté vers des solutions durables et non pas uniquement vers des réparations rapides.36
- Harmonisation des Modèles de Partage du Risque :
- Encourager et potentiellement exiger des États membres qu’ils examinent la mise en place d’une assurance obligatoire contre les risques élémentaires (inondations, grêle) pour éviter le transfert systématique du coût des risques prévisibles vers les finances publiques nationales et européennes.23
- Intégration Systémique du Risque Sanitaire :
- Reconnaître formellement la gestion des vagues de chaleur comme une catastrophe systémique nécessitant une mobilisation proactive des ressources (santé, infrastructures de refroidissement, plans urbains) au niveau européen, compte tenu de son bilan humain massif.12
- Intégrer systématiquement et financer le soutien psychosocial d’urgence et le suivi de la santé mentale des victimes, des communautés et des intervenants dans le cadre d’action du Mécanisme de Protection Civile de l’Union, s’appuyant sur l’expérience acquise en Italie et en Bosnie-Herzégovine.16
- Priorité à la Prévention et à l’Évaluation des Vulnérabilités :
- Accélérer la mise en œuvre de la stratégie européenne de gestion des risques climatiques et veiller à ce que l’adaptation et la résilience deviennent des éléments centraux et obligatoires dans l’ensemble des politiques et investissements de l’Union, au-delà de la simple réaction d’urgence.19
- Mettre l’accent sur le financement de diagnostics d’exposition et de vulnérabilité précis au niveau des collectivités pour préparer les esprits à une meilleure culture du risque et guider les investissements dans les infrastructures de protection.35
Sources :
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